C’est un vote inattendu : le Sénat a adopté, le 1er février, la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) alors même qu’il avait rejeté cette idée en octobre 2022. Cette validation, par 166 voix pour, 152 contre et 23 abstentions, est intervenue grâce à la rédaction d’un « amendement de compromis ».
🔴 #IVG : le Sénat a adopté la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’IVG, après avoir adopté un amendement consacrant la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse.
Voir l’amendement de @BasPhilippe :
🔗 https://t.co/hFW6FPxBY3 pic.twitter.com/UCzvqS9AxJ— Sénat (@Senat) February 1, 2023
Le droit à l’IVG menacé
La proposition de loi a été déposée le 7 octobre 2022 par la députée Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise - Nouvelle union populaire écologique et sociale (LFI-Nupes) à l’Assemblée nationale. Son objectif était de renforcer le droit des femmes à disposer de leur corps dans un contexte international où celui-ci est menacé. Aux États-Unis, la Cour suprême est en effet revenue en juin 2022 sur sa jurisprudence de 1973, qui considérait l’IVG comme un droit garanti au niveau fédéral. Depuis, plusieurs États fédérés ont interdit ou restreint le recours à l’avortement. Et cette régression touche aussi des pays d’Europe : Malte a interdit l’avortement, la Pologne et la Hongrie l’ont limité.
Un texte de compromis
À l’origine, le texte prévoyait que l’article premier de la Constitution mentionne que : « nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse » mais également au droit à la contraception. Il a ensuite été modifié par l’Assemblée nationale en novembre 2022. Les députés se sont mis d’accord sur la création d’un nouvel article, le 66-2, selon lequel « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Cette formulation aurait permis d’entériner ce droit et la nécessité de son encadrement par la loi et de l’inscrire au rang des libertés fondamentales individuelles.
Une fois au Sénat, la proposition de loi a une nouvelle fois été modifiée. Le sénateur Philippe Bas (Les Républicains), ancien collaborateur de Simone Veil, a déposé un « amendement de compromis » qui propose une rédaction différente. Celui-ci ajoute un alinéa à l’article 34 de la Constitution qui précise : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Cette fois-ci, il s’agit de consacrer cette liberté et d’interdire au législateur de supprimer l’IVG ou d’y porter gravement atteinte.
Un nouvel examen par le Parlement avant un référendum ?
La proposition de loi n’ayant pas été votée dans les mêmes termes par les deux chambres, elle devra être à nouveau examinée, en deuxième lecture, par l’Assemblée nationale puis par le Sénat. Si le texte est adopté, la procédure prévoit ensuite qu’il soit soumis à référendum par le président de la République puis approuvé par les Français.
Mais, depuis 1958, aucune révision constitutionnelle proposée par un parlementaire n’est allée jusqu’au bout, faute d’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Les réformes constitutionnelles qui ont eu lieu sont issues de projets de loi déposés par l’exécutif et ont été approuvées directement par le Parlement, à l’exception de celle sur le quinquennat présidentiel en 2000.