Une alimentation plus équilibrée, des saveurs exaltées et un plaisir partagé : les arguments en faveur de la cuisine « maison » sont nombreux. Les Français, attachés à leur repas traditionnel – qui a été classé en 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, les sciences et la culture (Unesco) –, y sont particulièrement sensibles. Une enquête BVA, réalisée à l’occasion de la Fête de la gastronomie 2017, révèle d’ailleurs que 68 % d’entre eux apprécient de faire la cuisine et qu’ils sont même 29 % à « beaucoup » aimer cette activité. Si les femmes sont encore souvent devant les fourneaux (58 %), les hommes s’en chargent de plus en plus et, dans un couple sur quatre, la tâche est partagée par les deux sexes. Un autre sondage, commandé par le site Quitoque.fr en avril 2018, précise que les Français passent entre dix et quarante minutes par jour à cuisiner, mais que 78 % des femmes et 89 % des hommes aimeraient y consacrer plus de temps.
Maîtriser son alimentation
Cet engouement est considéré comme positif par les professionnels de santé, qui y voient une opportunité. « Nous nous plaignons souvent que les gens mangent mal et, pour y remédier, nous multiplions des- injonctions qui-sont peu efficaces, alors que parler du plaisir de cuisiner et de partager un repas est un message beaucoup plus encourageant, affirme le docteur Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste, chef du service nutrition de l’institut Pasteur de Lille. Le fait de cuisiner présente beaucoup d’avantages sur le plan de la santé, dont celui de maîtriser ce que l’on mange. » Ce dernier point a justement fait la une en février. Une étude associant les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et de l’univer sité Paris-XIII a montré un lien entre la consommation d’aliments ultra- transformés et le surrisque de développer un cancer. « Une augmentation de 10 % de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire s’est révélée être associée à une augmentation de plus de 10 % des risques de développer un cancer au global et un cancer du sein en particulier, révèle le rapport. Parmi les différentes hypothèses qui pourraient expliquer ces résultats, la moins bonne qualité nutritionnelle globale des aliments ultra-transformés ne serait pas la seule impliquée, suggérant des mécanismes mettant en jeu d’autres composés (additifs, substances formées lors des process industriels, matériaux au contact des aliments, etc.). » Pour quali-fier les différents types d’aliments, les chercheurs se sont fondés sur la classi-fication Nova, qui dé-finit quatre groupes : aliments peu ou pas transformés, ingrédients culinaires, aliments transformés et aliments ultra-transformés. Ce dernier groupe comprend les pains et brioches industriels, les barres chocolatées, les biscuits apéritifs, les sodas et les boissons sucrées aromatisées, les nuggets de volaille et de poisson, les soupes instantanées, les plats cuisinés congelés ou prêts à consommer, etc. « Lorsque l’on cuisine, on travaille essentiellement des produits bruts, c’est-à dire des produits peu ou pas transformés, constate Sarah Mony, diététicienne nutritionniste. On mange ainsi plus sainement. »
Bien choisir ses produits
Pour avoir une bonne alimentation, le choix des produits est donc essentiel. « Pour les personnes qui aiment cuisiner et qui en ont le temps, le mieux est d’aller au marché et de choisir des produits de saison qui donnent envie, conseille Sarah Mony. Une fois rentrées à la maison, elles peuvent chercher des recettes sur Internet ou faire preuve d’imagination pour préparer ce qu’elles ont acheté. Pour les personnes plus pressées, les légumes surgelés au naturel sont un bon compromis. Ils sont faciles à utiliser et de bonne qualité nutritionnelle.
» La diététicienne nutritionniste recommande de choisir des produits bio : « Ils ont une densité énergétique supérieure aux produits classiques, même s’ils sont plus chers, et ils contiennent moins de pesticides. Quand on sait que, lorsque l’on épluche et qu’on lave un légume, on ne retire que 11 % des pesticides, le bio devient une évidence. L’apposition du label bio sur un produit est la garantie qu’un cahier des charges strict a été respecté. »
Ceux qui ont la chance d’avoir un bout de jardin peuvent aller plus loin en cultivant leur propre potager. Ils ont ainsi la maîtrise complète de l’origine et du mode de culture des produits qu’ils cuisinent. A plus petite échelle, chacun peu faire pousser quelques plantes aromatiques sur un rebord de fenêtre ou sur un balcon. Selon un sondage réalisé en 2017 par l’institut Ipsos*, 48 % des Français ont pris cette habitude pour pouvoir assaisonner leurs plats. « C’est une très bonne initiative, approuve Jean-Michel Lecerf, car les herbes comme les épices permettent de donner plus de goût sans ajouter de sel. »
Faire simple et bon Un repas équilibré se compose de six éléments : « Il doit y avoir des légumes et des fruits, toujours ; une source de protéines animales ou végétales ; des féculents dosés selon l’activité physique de chacun ; un produit laitier, comme du lait ou du fromage ; de la matière grasse ; et, bien sûr, de l’eau à volonté », énumère le médecin nutritionniste. Le sel et le sucre, eux, doivent être consommés avec modération. Une fois ces bases posées, on peut laisser parler son imagination. « Je conseille de commencer un repas par une entrée crue pour couper la faim, indique Sarah Mony. Il peut s’agir de radis, de tomates cerises ou de fenouil, que l’on accompagne d’une sauce faite d’un demi-yaourt et d’herbes aromatiques. Pour le plat, il faut associer légumes et féculents. On peut préparer des pâtes avec lesquelles-on fait revenir des oignons, des poivrons et des tomates. Pour les plus pressés, une purée de pommes de terre surgelée, des épinards au naturel et un - let de poisson ou de poulet seront parfaits. Autre possibilité, un wok de légumes croquants, dans lequel on ajoute de la sauce soja en fin de cuisson pour relever le goût, apportera de-la couleur dans l’assiette. » Un fruit frais au-dessert viendra compléter le menu. En cas de manque d’inspiration, investir dans un peu de matériel peut aussi s’avérer utile. « Le blender chauffant est un outil très pratique pour les soirs de semaine où l’on n’a pas envie de faire à manger, assure la diététicienne nutritionniste. Il suf-fit d’y mettre des légumes, frais ou surgelés au naturel, et du poisson comme un - let de cabillaud pour avoir un plat sain et bon. On ne peut pas se tromper. Le rice cooker est lui aussi très pratique. On y met des petits légumes et du riz ou du quinoa, qu’il cuit tout seul. C’est simple, rapide et bon. » Un plaisir à partager Si les Français cuisinent pour se faire de bons petits plats, ils y trouvent également un véritable plaisir. Soixante-six pour cent des femmes et même 77 % des hommes partagent ce sentiment, selon le sondage du site Quitoque.fr. « Le plaisir est essentiel, reconnaît Jean-Michel Lecerf. Il donne envie de faire des plats différents, qui permettent d’avoir une alimentation variée. En cuisine, il n’y a pas de limites. » Au-delà des recommandations nutritionnelles, un petit écart de conduite de temps à autre n’est pas dramatique. « Tant que l’alimentation de base est équilibrée, on peut se faire plaisir ponctuellement, en mangeant une pizza par exemple, con-firme Sarah Mony. Mais mieux vaut aller la déguster au restaurant que la commander à un service de vente à emporter. Dans le premier cas, elle est généralement de meilleure qualité nutritionnelle. » Avec l’été, les barbecues vont être de sortie dans les jardins. Là encore, pas d’interdit, mais des précautions à prendre. « La viande ne doit pas être en contact avec les - flammes ou avec la fumée, pour éviter la formation en surface de composés chimiques dont certains ont des propriétés cancérigènes », rappelle le docteur Lecerf, qui préconise de ne pas faire plus de deux ou trois barbecues durant la période estivale.
Transmettre et donner envie
Se retrouver et faire la cuisine ensemble est un formidable moyen de transmettre, notamment à ses enfants. « Ils apprennent ainsi à découvrir et à apprivoiser les aliments, note le médecin nutritionniste. Ils sont rassurés de connaître les ingrédients et rechignent moins à goûter. » Un avis que partage Sarah Mony, soulignant la curiosité des plus jeunes, qui vont « utiliser leurs sens, le toucher, le goût, l’odorat et bien sûr la vue ». Les Français aiment manger, parler de ce qu’ils mangent et se retrouver autour d’un repas. Ils sont même les champions incontestés du temps passé à table : deux heures et onze minutes par jour, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datée du mois de mars. « Ce moment traditionnel, culturel, du repas partagé a de nombreux bienfaits, précise la diététicienne nutritionniste. Il permet de prendre le temps, de savourer et de manger plus lentement.
Chez les adolescents, par exemple, il a pour effet de calmer la nervosité. Le fait d’être ensemble stimule la sécrétion d’ocytocine, qui a un pouvoir calmant, mais aussi celle de sérotonine, qui améliore l’humeur et provoque le sentiment de satiété. » La cuisine et les valeurs qui l’entourent sont plébiscitées dans les médias. A la télévision, les émissions de découverte de la gastronomie ou de concours de cuisine continuent d’attirer le public. Sur les réseaux sociaux, la mode du foodporn dure depuis plusieurs années déjà : les amateurs de cuisine du monde entier mettent en scène leurs repas et photographient leurs assiettes avant de partager leurs clichés. Tous ces phénomènes ont permis de mettre en lumière les questions autour de- l’alimentation, de la qualité des produits et de la cuisine, et ils conduisent à des changements dans nos comportements. « Aujourd’hui, les jeunes veulent savoir ce qu’ils mangent, constate Sarah Mony, et ils veulent de plus en plus se réapproprier la cuisine. » -