Les pouvoirs de la méditation

, par  Delphine Delarue

Depuis que je médite, je sens vraiment un changement, confie Isabelle. Dire que ça a changé ma vie serait un peu exagéré, mais je suis tout de même beaucoup plus calme, je prends davantage de recul sur les événements de ma vie et j’arrive à mieux me concentrer au bureau.  » Cela fait bientôt deux ans que cette assistante de direction de 35 ans se rend une fois par semaine dans un centre bouddhique parisien pour deux heures de méditation guidée. Une pratique qu’elle essaie de reproduire chez elle, chaque matin pendant vingt minutes. «  C’est une vraie discipline, pas toujours facile à mettre en œuvre, mais s’y tenir vaut vraiment le coup  », assure-t-elle.
La méditation et ses différentes pratiques issues du bouddhisme séduisent aujourd’hui des centaines de milliers de personnes en Occident. Rien qu’en France, on ne compte plus le nombre d’ouvrages et de CD parus ces dernières années sur le sujet. Dans les salles de sport, les entreprises, les ­hôpitaux ou les écoles, tout le monde s’y met. Une chose est sûre : méditer n’est plus une simple histoire de moines himalayens, de hippies en mal d’exotisme ou d’ermites illuminés.

En quête de réponses

«  On est bien loin du premier mouvement d’intérêt pour la méditation, qui remonte aux années 60, constate Elisabeth Drukier, moniale bouddhiste et directrice du centre bouddhique tibétain Kalachakra, à Paris. A l’époque de la contre-culture, il s’agissait d’un phénomène de contestation de la société en général. Aujourd’hui, c’est complètement différent. L’avenir est plus sombre, plus angoissant, et la quête de réponses au mal-être est beaucoup plus authentique. Dans une société si turbulente, individualiste, avec les transports en commun, le stress au travail et la sollicitation permanente des nouvelles technologies, les gens ont un besoin profond de regard intérieur. La méditation permet une meilleure ­compréhension de ce qui se passe en nous, dans le monde
des émotions. Elle nous aide à ­cultiver des pensées plus positives, plus altruistes, davantage ouvertes sur le monde et sur l’humanité. Les effets sur le bien-être émotionnel sont ­d’ailleurs avérés : ils ont été démontrés par de nombreuses études.  »

Caution scientifique

Cela fait des années que les scientifiques, américains notamment, cherchent à comprendre les effets de la méditation sur le fonctionnement du cerveau. De grandes universités, comme celles de Madison, de Princeton, de Harvard ou de Berkeley, mènent régulièrement des travaux sur la question. Parmi les «  cobayes  » étudiés, on trouve des moines bouddhistes qui totalisent des dizaines de milliers d’heures de pratique.
Des expérimentations ont par exemple montré que la zone cérébrale associée à la compassion était considérablement plus active chez les personnes qui avaient une longue expérience méditative. «  Ces découvertes indiquent que les qualités humaines peuvent être délibérément cultivées par un entraînement mental  », souligne le célèbre moine bouddhiste Matthieu Ricard, dans son livre L’art de la méditation (lire l’encadré «  Savoir plus  », en page 20). Les grands méditants développeraient en outre des facultés de concentration hors du commun. Et ce n’est pas tout : même pratiquée à plus court terme, la méditation a des effets positifs. Des chercheurs de Harvard ont par exemple prouvé qu’une pratique quotidienne pendant seulement quelques semaines agissait positivement sur le fonctionnement de l’amygdale, la zone du cerveau impliquée dans le traitement de la peur, de l’aversion ou de l’anxiété. Grâce à tous ces travaux, on sait aussi que méditer de façon régulière diminue le stress, la tendance à la colère, l’hypertension et qu’elle permet de mieux gérer les douleurs chroniques.
Encore mieux : selon des travaux neuro­scientifiques plus récents, ­s’asseoir régulièrement sur un coussin pour méditer augmenterait le volume de matière grise de certaines aires du cerveau et permettrait ainsi de ­retarder le vieillissement cérébral. La méditation agirait notamment sur la télomérase, une enzyme qui facilite la division cellulaire.

Pleine conscience

Parmi les différentes pratiques méditatives introduites en Occident par les grands maîtres bouddhistes, comme le Tibétain Chögyam Trungpa, le Birman Goenka ­ou le Vietnamien Thich Nhat Hanh, celle qui séduit le plus est la méditation dite de pleine conscience (ou «  mindfulness  »). Dès la fin des années 70, le docteur Jon Kabat-Zinn, professeur émérite de médecine à l’université du Massachusets, s’en inspire pour élaborer un programme de gestion de la douleur et de l’anxiété, la Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Basée sur des ­techniques de concentration et de respiration empruntées aux moines tibétains, celle-ci s’adresse dans un premier temps aux malades chroniques.
Progressivement, des centaines d’hôpitaux à travers le monde se mettent à l’utiliser pour soulager les douleurs postopératoires de leurs patients et celles associées aux maladies graves. «  La maladie chronique n’est qu’une succession de situations stressantes : attendre les résultats des examens, la prochaine consultation avec le médecin, la prochaine IRM… Tout cela est très angoissant, observe le professeur Corinne Isnard Bagnis, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
La ­méditation de pleine conscience permet aux patients de regagner de la confiance en eux, de prendre plus de recul par rapport à leur maladie et de ne pas laisser la douleur prendre toute la place.  »
Aujourd’hui, chacun peut s’initier à ce type de méditation par des CD, des livres ou des stages (lire aussi l’encadré «  Gare aux charlatans !  », en page 18). Ce sont les nombreux ouvrages de Kabat-Zinn, mais aussi ceux, pour la France, du psychiatre Christophe André ou du philosophe Fabrice Midal qui ont permis à la pleine conscience de gagner peu à peu l’adhésion du grand public.

Ici et maintenant

«  La méditation de pleine conscience est un entraînement attentionnel à ce qui se passe dans l’instant présent, c’est-à-dire ici et maintenant, moment après moment, sans jugement et sans réaction, explique la psychologue Anne-Céline Milanov, qui anime des groupes de ­méditation MBCT (une variante de la MBSR développée par un psychologue canadien pour les patients atteints de troubles émotionnels) à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Il s’agit d’une prise de conscience du corps et du fonctionnement de l’esprit, avec une attention spécifique portée aux pensées et aux émotions, à la façon dont elles naissent et dont elles peuvent complètement nous submerger.  » Tout le monde a déjà expérimenté ce type de mécanisme : quand on est déprimé ou anxieux, on a tendance à ruminer des pensées négatives et à lutter contre les émotions qui y sont associées. «  Or, cela ne fait que renforcer et solidifier les états émotionnels douloureux, poursuit Anne-Céline Milanov. Pratiquer la pleine conscience nous amène à pouvoir accueillir ce qui se passe de manière plus ouverte, en laissant ces pensées être en nous au lieu de chercher à les analyser et à s’en débarrasser. On les laisse ­s’exprimer en gardant de la distance. Et rapidement, on se rend compte qu’elles ne reflètent pas forcément la réalité. Ce ne sont le plus souvent que des constructions mentales qui n’ont pas beaucoup d’importance.  » En somme, il s’agit simplement d’entraîner son esprit à explorer d’autres chemins que ceux habituellement empruntés, pour voir les choses sous un angle différent. Et ça marche ! Une étude récemment publiée dans The Lancet a démontré que la méditation était aussi efficace que les antidépresseurs pour prévenir les rechutes de dépression. Est-elle pour autant le remède à tous les maux du corps et de l’esprit ? Evidemment non. En matière de dépression, par exemple, même si elle diminue les risques de rechute, elle ne ­l’empêche pas. Sans doute la méditation aide-t-elle tout simplement à mieux vivre, à être plus attentif à soi-même et aux autres et à davantage prendre conscience de «  la précieuse existence humaine et de tout ce qu’elle apporte, comme le remarque Elisabeth Drukier, autrement dit cette ­capacité formidable à réfléchir, à observer ses pensées et à s’améliorer dans la ­bienveillance pour le bien-être de tous  ». Se poser, se taire, observer ce qui se passe en soi, apaiser son esprit : la méditation peut aussi être envisagée comme une sorte de discipline hygiénique quotidienne, qui nettoie le mental de toutes les perturbations et de toutes les sollicitations qui nous harcèlent continuellement.

Assiduité et motivation

Combien de temps faut-il pratiquer avant de ressentir ces effets bénéfiques ? Selon certains pratiquants, des changements peuvent être perçus dès la première séance. «  C’est très “soulageant”, d’un coup, de s’asseoir et de ne rien avoir à faire ni rien à réussir, assure Anne-Céline Milanov. Juste se concentrer sur sa respiration, être là, avec ses sensations, même si c’est difficile parce que l’esprit a toujours tendance à vagabonder dans le passé ou dans le futur. Finalement, nous ne sommes jamais vraiment là, nous sommes tout le temps dans l’anticipation ou dans les souvenirs, et c’est très fatigant pour le moral.  » Cette simple prise de conscience aiderait, déjà, à mieux savourer l’instant présent. C’est cependant bien dans la répétition, dans la pratique quotidienne que semble se trouver le salut. «  L’idéal est de méditer chaque jour, précise Elisabeth Drukier. De préférence le matin, au moment où l’esprit est le plus clair, quand il n’a pas encore été distrait par tout un tas d’objets extérieurs. Et en ce qui concerne la durée, peu importe : cinq minutes, dix, quinze ou trente, chacun fait à son rythme, en fonction de ses possibilités.  » L’essentiel est de s’accorder un peu de temps pour «  faire sa petite gymnastique mentale, apaiser son esprit, l’aider à être davantage dans la simplicité, l’authenticité et la réalité, conclut Anne-Céline Milanov. A un moment donné, on a tous besoin de se reconnecter à qui on est, non ? »

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