L’injection d’une hormone utilisée habituellement pour traiter les problèmes de reproduction pourrait s’avérer efficace pour améliorer les fonctions cognitives de personnes porteuses de trisomie 21, selon une étude menée conjointement par l’équipe de Vincent Prévot, responsable du laboratoire neurosciences & cognition (Inserm-université de Lille, CHU de Lille) et par le service endocrinologie, diabétologie et métabolisme au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV de Lausanne), et dont les résultats ont été publiés dans la revue Science du 2 septembre.
(1/3)
L’injection d’une #hormone connue pour réguler la reproduction pourrait être la base d’une nouvelle #thérapie améliorant les fonctions cognitives de personnes porteuses de #trisomie21... pic.twitter.com/EvY4i2zJ6I— Inserm (@Inserm) September 1, 2022
Cette hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), appelée « gonadolibérine », est sécrétée par l’hypothalamus. Elle a notamment pour rôle de réguler la fonction de reproduction adulte. Impliquée dans le déclenchement de la puberté et de la fertilité, elle joue également un rôle dans le maintien de la fonction cognitive. De récentes recherches ont montré qu’une anomalie neuronale perturbait la sécrétion de gonadolibérine chez les personnes porteuses de trisomie 21. Or, « les neurones exprimant l’hormone GnRH auraient aussi une action dans d’autres régions du cerveau avec un rôle potentiel sur d’autres systèmes, tels que celui de la cognition », souligne l’Inserm dans son communiqué.
Une étude pilote sur un petit groupe de patients
Partant de ce constat, les chercheurs ont procédé en plusieurs étapes, utilisant dans un premier temps des souris génétiquement modifiées pour reproduire la trisomie humaine, afin d’étudier le mécanisme de régulation de la GnRH dans ce contexte. L’équipe lilloise a ainsi pu démontrer que « les déficiences cognitives et olfactives étaient étroitement liées à une sécrétion de GnRH dysfonctionnelle ».
Ils ont ensuite testé cette thérapie à base de GnRH sur sept patients volontaires, des hommes âgés de 20 à 50 ans, porteurs de trisomie 21. Pendant six mois, une dose de l’hormone leur a été injectée sous la peau de manière pulsée toutes les deux heures, à l’aide d’une pompe placée sur le bras — comme le ferait une pompe à insuline – mimant la sécrétion de GnRH naturelle.
« C’est la première fois que l’on démontre des effets de la GnRH dans une autre indication que la fonction de reproduction », a constaté Nelly Pitteloud, professeure à la faculté de biologie et médecine de l’université de Lausanne et cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV, avant d’ajouter que : « Le traitement a été bien toléré. Aucun effet indésirable n’a été mis en évidence. »
Des résultats encourageants
Les participants à l’essai clinique ont passé des tests de la cognition et de l’odorat ainsi que des examens IRM avant et après le traitement. « Une amélioration des capacités cognitives (fonction visuo-spatiale, fonctions exécutives, attention) a été constatée chez six des sept patients », note l’Inserm, qui précise qu’« en revanche, aucun progrès n’a été noté dans les tests olfactifs. Des données d’imagerie cérébrale ont également mis en évidence de meilleures connexions neuronales, notamment dans les régions visuelles et sensorimotrices. »
Ces résultats préliminaires doivent cependant être confirmés. Un essai randomisé sera lancé cet automne chez 50 à 60 patients, dont un tiers de femmes.
Causée par un chromosome surnuméraire, la trisomie 21, ou syndrome de Down, est la première cause de déficience intellectuelle. Elle est caractérisée par à un déclin précoce des capacités cognitives, de type maladie d’Alzheimer, et souvent associée à des troubles olfactifs – mais aussi à un déficit de maturation sexuelle chez les hommes.