La maladie de Parkinson touche près de 2 % de la population âgée de plus de 65 ans, et l’on compte plus de 25 000 nouveaux cas chaque année. Chez une personne sur deux, elle se déclare avant l’âge de 58 ans. Si les patients ont une espérance de vie normale, leur quotidien est gâché par des difficultés physiques qui ont tendance à s’accroître avec le temps. Cette pathologie se caractérise en effet par la destruction progressive des neurones qui produisent la dopamine, un neurotransmetteur impliqué
dans le contrôle des mouvements. Elle est généralement asymptomatique pendant plusieurs années, et on la découvre lorsque le cerveau n’arrive plus à compenser le manque de sécrétion de dopamine.
Déceler les premiers signes
« Il y a parfois un tremblement, mais souvent des difficultés pour accomplir certains gestes quotidiens, comme boutonner sa chemise, faire un nœud de cravate ou se brosser les cheveux, explique le professeur Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes et président du comité scientifique de France Parkinson. Au départ, il n’est pas rare que la gêne gestuelle soit faussement attribuée à un problème rhumatologique. » Pour poser le diagnostic, aucun examen radiologique ou biologique n’est généralement nécessaire : le neurologue s’appuie sur des symptômes moteurs, notamment « une difficulté gestuelle
des membres supérieurs ou inférieurs, par exemple une écriture devenue plus petite (on parle alors de micrographie, NDLR), une lenteur, une rigidité des membres. » Les signes sont le plus souvent asymétriques : un côté du corps est plus atteint que l’autre. Quant au tremblement parkinsonien, c’est un tremblement au repos, ce qui le distingue du tremblement essentiel, plus courant (300 000 cas). D’ailleurs, contrairement à une idée largement répandue, tous les parkinsoniens ne tremblent pas. « La maladie existe bien avant que les premiers symptômes moteurs ne se manifestent, précise Philippe Damier. Certains troubles du sommeil, comme des rêves agités, peuvent être présents chez des personnes qui vont développer la maladie des années plus tard. Il peut aussi y avoir une anosmie (baisse de la perception olfactive, NDLR) ou encore des problèmes de constipation. Ces symptômes prédiagnostiques ne sont toutefois pas spécifiques et ils sont loin d’être systématiques. » Une grande fatigue, des douleurs, voire une dépression peuvent également être des signes annonciateurs de la maladie. Aucun parkinsonien n’est semblable à un autre : les symptômes et l’évolution de la maladie sont très variables. La micrographie fait certes partie des premiers symptômes typiques, mais « comme la pathologie est souvent diagnostiquée bien après l’apparition de ce trouble, il est en général trop tard pour rééduquer, d’autant qu’il y a alors d’autres choses à travailler, constate Pauline Lorrain-Debrin, orthophoniste à Metz. Le patient peut en effet développer ensuite des troubles de la voix, avec une diminution de l’intensité vocale et des difficultés à articuler. C’est généralement son entourage qui s’aperçoit de ces difficultés et qui l’alerte ».
Une cause encore méconnue
La cause de la maladie de Parkinson reste inconnue. Le professeur Damier évoque les facteurs génétiques « importants, puisqu’une une seule mutation génétique suffit à entraîner la maladie dans 10 % des cas, ce qui est beaucoup plus que dans la maladie d’Alzheimer par exemple ». Si des causes génétiques sont avérées, « dans d’autres cas, des facteurs environnementaux peuvent être responsables. Les pesticides, notamment, pourraient être à l’origine de certaines maladies », ajoute le neurologue, mais, dans la grande majorité des cas, « il s’agit d’une interaction plus complexe entre des facteurs génétiques de prédisposition et des facteurs environnementaux, dont la plupart sont encore non identifiés ». La piste environnementale est toutefois prise très au sérieux. Un lien de causalité entre cette pathologie et l’usage de produits phytosanitaires a d’ailleurs été clairement établi. Depuis 2012, le parkinson est reconnu comme maladie professionnelle chez les agriculteurs qui ont été exposés pendant plusieurs années aux pesticides.
« Même si la cause réside plus certainement dans des facteurs génétiques et, surtout, environnementaux, il est cependant probable que des chocs violents, répétés, puissent favoriser la maladie, souligne Philippe Gros, kinésithérapeute-ostéopathe à Paris. De plus, le fait de subir des coups sur le crâne de façon répétée entraîne une perte de neurones, ce qui peut expliquer qu’elle se révèle plus tôt. » Et de citer l’exemple du boxeur Mohamed Ali, diagnostiqué
parkinsonien alors qu’il n’avait que 42 ans. « Les traumatismes peuvent aussi agir comme un révélateur de la pathologie, qui est dans l’attente d’un facteur déclenchant, poursuit le kiné. Parmi mes patients, j’ai eu un jeune de 40 ans qui pratiquait le rugby et qui avait subi de nombreux chocs à la tête, et un autre chez qui la pathologie s’était révélée après avoir été renversé par une moto. »
Prendre en charge au plus tôt
Les séances de kiné comme celles d’orthophonie sont données sur prescription médicale. Les mettre en place le plus tôt possible va permettre au patient d’apprendre à se connaître et à appréhender sa maladie.
Le travail du kiné ne se limite pas aux massages pour diminuer les douleurs dues à la rigidité des muscles. Un programme spécifique, composé d’étirements et d’exercices musculaires de coordination, améliore la qualité de vie des patients et leur permet de « garder la plus grande autonomie pour toute activité de la vie journalière, en priorité pour
la marche », assure Philippe Gros.
Pauline Lorrain-Debrin s’accorde, elle aussi, sur les bénéfices, en termes de qualité de vie, d’une prise en charge précoce. « Malheureusement, on ne m’adresse souvent le patient qu’une fois qu’il a des troubles de la déglutition », regrette l’orthophoniste. Elle reçoit cependant des personnes de plus en plus jeunes : « Avant, c’étaient plutôt des retraités, qui avaient entre 60 et 75 ans, alors qu’aujourd’hui il y a des moins de 40 ans. Cela s’explique certainement par un diagnostic plus précoce, et il y a aussi beaucoup de gens qui
se renseignent sur Internet et demandent à consulter. Il y a généralement plus d’hommes, je vois très peu de femmes. » Que propose-t-elle aux patients ? « Pour ceux qui ont 40 ans, je fais d’abord un bilan, je ne commence pas tout de suite l’orthophonie. Je les alerte surtout sur les signes, afin qu’ils soient informés sur le développement du parkinson, car c’est une maladie qui se vit sur le long terme. »
Des médicaments pour supprimer les symptômes
Actuellement, il n’existe pas de traitement
qui permette de guérir définitivement de cette maladie, mais « les médicaments administrés pallient le manque de dopamine, indique le professeur Damier, et font disparaître les symptômes, aidant ainsi le patient à vivre le plus normalement possible. Il existe aussi un traitement chirurgical, pratiqué chez 5 à 10 % des malades, qui consiste à poser des électrodes sur le cerveau. Cette méthode donne des résultats spectaculaires et permet de garder la maladie sous contrôle de façon prolongée. Mais l’intervention n’est pas anodine, et chez un grand nombre de patients elle est trop risquée pour être envisagée de façon raisonnable. »
Les traitements médicamenteux entraînent hélas des complications et des effets indésirables, dont certains sont psychiques, voire psychiatriques. « Le patient peut connaître des troubles du comportement, comme des pulsions, confirme le neurologue. La lévodopa, un précurseur de la dopamine, peut par exemple être à l’origine de complications motrices. Au bout de quelques années, elle n’est plus efficace tout au long de la journée et les symptômes fluctuent. Des dyskinésies (mouvements soudains, incontrôlés, NDLR) sont donc parfois associées à ces traitements. » Par ailleurs, « la maladie, avec le temps mais aussi avec l’âge, se diffuse dans le cerveau, prévient-il. Cette généralisation s’accompagne de troubles de l’équilibre et provoque des chutes. Les fonctions cognitives et intellectuelles peuvent également être atteintes, par exemple sous la forme d’une apathie (on n’a plus d’énergie pour faire les choses). Puis surviennent les problèmes de mémoire. Or, bien qu’il y ait de nombreuses pistes de recherche, les possibilités de traitement médicamenteux sont pour l’instant encore limitées pour les troubles de l’équilibre ou des fonctions intellectuelles. » Le spécialiste insiste sur la nécessité, pour entretenir le cerveau, de « maintenir une activité physique régulière et de conserver du lien social ». Ce n’est certes pas toujours facile, car le parkinson entraîne des troubles du sommeil, du stress et de l’anxiété, et il modifie profondément l’image de soi, ce qui induit très souvent un état dépressif.
Pour conclure, le professeur Damier pointe le caractère stigmatisant de cette affection neurologique, qui « a le gros inconvénient de provoquer des symptômes qui se voient ». C’est la raison pour laquelle neurologue, kiné, orthophoniste…, tous les professionnels de santé mais aussi l’entourage du patient doivent être mobilisés afin de l’aider à mieux vivre avec sa maladie. ●