Fraude dentaire : un fléau qui coûte cher à tous
Alors que la santé dentaire reste au cœur des préoccupations des Français, les fraudes dans ce secteur explosent. Professionnels peu scrupuleux, centres de santé déviants, mais aussi assurés parfois complices… Le phénomène inquiète autant les autorités que les complémentaires santé.
Un phénomène en forte croissance
La fraude à l’Assurance maladie a atteint un record en 2024 : 628 millions d’euros ont été détectés et stoppés, soit une augmentation de 34 % en un an. Parmi ces sommes, le secteur dentaire occupe une place inquiétante. Selon les chiffres publiés par l’Assurance maladie, les chirurgiens-dentistes seraient à l’origine de près de 9 millions d’euros de fraude, tandis que les centres de santé dentaires concentreraient à eux seuls plus de 90 millions d’euros de préjudice sur la période 2023 – 2024.
Résultat : 61 centres ont été déconventionnés, dont sept rien qu’en juin 2025. Un chiffre alarmant, et qui ne tient pas compte des fraudes dites « diffuses » (fraudes de faible montant, mais très nombreuses), plus difficiles à détecter.
Des pratiques pas toujours nettes
Les fraudes d’origine professionnelle représentent une part minoritaire des cas recensés (27 %) mais concentrent près de 70 % du montant total des préjudices financiers.
Parmi les techniques les plus répandues :
• Actes fictifs : des soins jamais réalisés, mais bel et bien facturés ;
• Surfacturation ou codage frauduleux : un simple détartrage facturé comme un acte plus complexe ;
• Montages financiers douteux dans certains centres de santé, souvent liés à des réseaux opaques, dont les dirigeants échappent parfois aux radars de la Sécurité sociale ;
• Non-respect du 100 % Santé : certains praticiens n’informent pas les patients des alternatives sans reste à charge, leur proposant systématiquement des soins hors nomenclature, donc plus coûteux et rémunérateurs.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a également renforcé ses contrôles, pointant des irrégularités dans l’affichage des tarifs, le non-respect du formalisme des devis, ou encore l’absence de traçabilité sur les prothèses.
Du côté des assurés, ils représentent plus de la moitié des fraudes recensées. Le plus souvent, il s’agit de fausses déclarations : consultations fictives, emprunt ou prêt de carte Vitale, voire complicité avec certains professionnels pour se faire rembourser des actes non réalisés. Dans certains cas, la fraude est plus passive que délibérée : accepter un devis opaque ou ne pas vérifier les soins réellement réalisés peut, sans en avoir conscience, faire de l’assuré un complice involontaire.
Fraude = augmentation des cotisations
Chaque euro indûment remboursé alourdit la charge des organismes complémentaires. Résultat : à court ou moyen terme, cela peut se traduire par une hausse des cotisations pour l’ensemble des adhérents. Cette réalité est d’autant plus problématique que la réforme du 100 % Santé, bien qu’indispensable, a déjà contribué à augmenter la dépense globale des complémentaires en élargissant le panier de soins pris en charge intégralement. Pour faire face, les mutuelles s’équipent : intelligence artificielle, vérifications croisées avec les flux de l’Assurance maladie, alertes sur les praticiens à comportement atypique… Ces dispositifs permettent de détecter les anomalies et d’engager des recours.
Du côté de Mutuelle Mip, la lutte contre la fraude est une priorité de longue date. Depuis plus de 15 ans, nous avons renforcé nos équipes avec des opticiens conseil et notre réseau de soins Itelis pour réguler et garantir des pratiques saines. Avec la mise en place du 100 % Santé, nous avons d’abord renforcé nos contrôles sur les équipements auditifs. Aujourd’hui, nous nous focalisons particulièrement sur le secteur dentaire : nous avons mené un audit de nos prestations, revu nos processus et formé nos équipes avec un dentiste conseil pour contrôler rigoureusement les devis des praticiens.
À noter par ailleurs que, contrairement à l’Assurance maladie, les mutuelles ne peuvent pas sanctionner directement un professionnel de santé : elles peuvent suspendre les remboursements, demander des justificatifs, voire engager une action en justice… mais cela reste long, coûteux, et souvent délicat en l’absence de preuves solides.
Pour les mutuelles, lutter contre la fraude, c’est aussi protéger la solidarité entre les adhérents : un pilier de notre modèle social qu’il faut défendre, acte après acte.
Les bons réflexes à adopter
Pour les adhérents, la vigilance est essentielle. Conseils simples :
- Toujours exiger un devis clair et détaillé, mentionnant les actes pris en charge à 100 % ;
 - Comparer le devis avec les soins réellement facturés. En cas de doute, demandez une explication à votre dentiste ou contactez votre mutuelle ;
 - Ne jamais prêter sa carte Vitale, même à un proche ;
 - Signaler les comportements suspects à votre caisse ou votre complémentaire ;
 - Vérifier vos décomptes de remboursement : les actes mentionnés doivent correspondre aux soins réellement reçus ;
 - Conserver les devis et factures : en cas de litige, ce sont vos seules preuves.
 - Vérifier les flux sur votre compte Ameli.
Pour les professionnels, la prévention passe par la transparence : affichage des tarifs, respect des nomenclatures, traçabilité des prothèses et explication claire des alternatives thérapeutiques.
Face à ce phénomène, chacun – patient, praticien, organisme de santé – a un rôle à jouer. 

														  
			