Faut-il se mêler des amitiés de nos enfants ?
Les parents sont parfois tentés de guider, voire de contrôler les fréquentations de leurs enfants par crainte de mauvaises influences. Or, intervenir ne leur rend pas service. Alors, comment les protéger sans interdire ? Les conseils du Pr Philippe Duverger, chef du service de pédopsychiatrie du CHU d’Angers, auteur de l’ouvrage L’amitié à l’adolescence – À la découverte de soi(1).
« L’amitié est une boussole », introduit le Pr Duverger. C’est dire l’importance d’avoir des amis pour les enfants ! « C’est une relation essentielle car le regard de l’autre, notamment des amis, aide à savoir qui l’on est, à trouver sa place et à avoir un rapport au monde constructif. L’amitié aide ainsi à être soi-même en dehors des repères de la famille. Elle participe à la construction psychique de l’enfant, explique notre spécialiste. L’amitié est rare et précieuse.Il faut la respecter. Elle constitue des petits bouts de vérité de soi. Avec l’amitié, on ne triche pas. »
Ne pas interférer !
« Les parents n’ont pas à choisir les amis de leurs enfants, c’est vraiment fondamental, même s’ils peuvent redouter de mauvaises rencontres, des liaisons dangereuses », enseigne le Pr Philippe Duverger. « C’est à l’enfant de construire ses amitiés. L’ami, c’est celui que l’on choisit pour soi », insiste-t-il en précisant que l’amitié ne se contrôle pas. D’ailleurs, elle ne se définit pas ; c’est une relation qui se dérobe à toute explication. « Ça ne sert à rien d’interdire une relation à son enfant qui va forcément rejeter cette idée », indique le pédopsychiatre qui souligne que les parents n’ont pas à juger ces relations. Une étude, menée par des psychologues américains parue dans Science Daily, souligne les dangers de l’intervention des parents dans les relations amicales de leurs enfants, notamment les risques de voir des comportements inquiétants empirer et l’enfant rejeté par ses pairs(2). Cela ne veut pas dire que les parents n’ont pas un rôle à jouer.
Mais accompagner
La position des parents est certes difficile. « Il s’agit d’être entre autorisation et protection, indique le spécialiste. Ne pas choisir les amis de ses enfants ne veut pas dire que l’on n’en parle pas et, en effet, il faut s’assurer qu’il n’y a pas de jeux d’emprise (voir encadré) ». Il conseille aux parents d’échanger avec leurs enfants sur leurs amis et de les aider à développer leur esprit critique. Par exemple, vous pouvez vous étonner en posant ces questions : « C’est bizarre quand même que ce soit la troisième fois que ton ami(e) t’emprunte de l’argent sans te le rendre. Qu’est-ce que tu en penses ? » ou « Trouves-tu normal qu’il (ou elle) te traite comme ça ? » Le pédopsychiatre explique : « Cela leur permet de continuer à se poser des questions, de réfléchir, de ne pas être seulement dans l’affect lorsque les parents ne seront plus là et quand ils trouveront qu’une relation n’est pas comme ils voudraient. »
Accompagner son enfant dans ses amitiés, c’est également rencontrer ses amis, les inviter (pas pour les surveiller !) et organiser des activités que vous suivez tout en respectant l’intime. Cela vous permet d’être vigilant sur d’éventuelles relations problématiques, sans les contrôler, en ouvrant autant que possible les yeux de vos enfants.
(1) Éditions First, 2022.
(2) Banning friendships can backfire : « Moms who “meddle” make bad behavior worse », Science Daily, September 4, 2024.
Anne-Sophie Glover-Bondeau
Déceler une amitié toxique : les signes d’alerte
• Votre enfant montre des signes d’inquiétude par rapport à une relation de dépendance qui s’impose.
• Votre enfant se sent obligé de faire des choses qu’il n’a pas envie de faire.
• Cette amitié ne le rend pas heureux.
Le bon comportement ? Lui rappeler qu’« une amitié est là pour nous nourrir, pas nous détruire » selon le Pr Duverger.