Bettina Zourli : « Dire que l’on ne veut pas d’enfant reste mal vu »

Bettina Zourli est autrice et créatrice de contenus sur les questions féministes. Elle s’est notamment fait connaître grâce à son compte Instagram @jeneveuxpasdenfant et à son podcast Amour(S). Dans son troisième ouvrage, publié en février, elle s’interroge sur la liberté des femmes de devenir mère ou pas.

Vous parlez librement de votre désir de ne pas être mère. Est-ce aujourd’hui un choix qui est accepté ?

Encore aujourd’hui, il y a une stigmatisation des femmes qui affirment ne pas vouloir d’enfants. On ne prend pas en compte leur choix, on leur reproche leur égoïsme, parfois même on les soupçonne d’anormalité. L’idée qu’il faut « produire » un enfant persiste et ne pas en avoir demeure synonyme d’échec. La société fait pression sur le ventre des femmes. Dire que l’on ne veut pas d’enfant reste mal vu.

Quand on parle des femmes qui ne veulent pas d’enfant, on évoque souvent l’argument de l’écologie. Quel est son réel poids dans cette décision ?

J’ai reçu le témoignage de femmes sur Instagram qui m’ont expliqué que c’était un moyen pour elles de clore la discussion et d’avoir un argument valable aux yeux des autres. Ne pas faire d’enfant pour des raisons écologiques est une fausse solution car c’est bien notre mode de vie occidental qui abîme l’environnement, pas le fait d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants.
Je ne suis donc pas du tout antinataliste bien au contraire. Je suis pour que les femmes puissent faire le choix de leur chemin de vie, sans jugement.

Dans votre livre, vous insistez sur le fait que ne pas avoir envie d’être mère ne signifie pas qu’on n’aime pas les enfants. Pourquoi ?

On peut tout à fait ne pas vouloir d’enfant à soi et s’intéresser quand même à leur bien-être et à celui de leurs parents. Pour moi, cela rejoint le mythe de l’instinct maternel. Les femmes auraient un désir d’enfant viscéral et sauraient s’en occuper de manière innée. Par conséquent, celles qui n’en voudraient pas ne pourraient pas en prendre soin. Ce n’est pas le cas. Notre société est divisée sexuellement et nous avons assigné un rôle précis aux femmes et aux mères. D’ailleurs, élever un enfant ne devrait pas être une activité genrée.

Vous y abordez aussi le désir et le projet d’enfant. Quelle est la différence ?

Quand on dit ne pas vouloir d’enfant, on nous demande souvent pourquoi. Et cette question, on ne la pose jamais aux futurs parents. C’est dommage. Le désir d’enfant a trait au fantasme mais élever un être humain dans la réalité peut être bien différent. C’est pour cela que je suis favorable à la création d’un parcours de parentalité institutionnalisé pour réfléchir à ce que l’on veut pour son enfant. Cela permettrait de construire un véritable projet d’éducation grâce à des rendez-vous avec des spécialistes ou à des groupes de parole par exemple.

Quelles sont les évolutions qui permettraient aux femmes de choisir librement d’être mère ou de ne pas l’être ?

Il faudrait tout d’abord donner une représentation plus diversifiée de la famille. Même si aujourd’hui elle évolue, notamment dans la pop culture, il faut aller plus loin.

Ensuite, il faut mener une réflexion globale. On peut s’interroger sur la manière dont on valorise le travail domestique qui incombe encore beaucoup aux femmes et encore plus aux mères. La maternité peut être une source d’inégalité financière et professionnelle. Il existe aussi une  discrimination liée à la maternité potentielle dans le milieu du travail. Les hommes et les femmes sont traités différemment au niveau des salaires, de l’avancement, des responsabilités mais aussi des congés : 30 % des pères ne prennent pas de congé paternité alors même qu’il est pour partie obligatoire. Il est donc important d’avancer sur tous ces points et de faire changer les représentations.

Propos recueillis par Léa Vandeputte / C I E M

Le temps du choix, de Bettina Zourli, Payot, 240 pages, 19,50 euros.