Une campagne pour sensibiliser au danger des dérives sectaires
Apprendre à repérer les risques d’emprise et d’embrigadement et encourager à les signaler : tels sont les objectifs de la nouvelle campagne du gouvernement. Celle-ci intervient dans un contexte de hausse des dérives sectaires, notamment dans le domaine de la santé.
Tout au long du mois de mars, le gouvernement et la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) diffusent une campagne de communication pour prévenir les dérives sectaires. Ces dernières se caractérisent par une emprise mentale sur un individu qui entraîne une rupture avec son environnement ou encore des atteintes à son intégrité physique ou psychique.
Sur internet, sur les réseaux sociaux et à la télévision, un film reprend ainsi les multiples promesses qui peuvent être faites aux victimes afin d’alerter le grand public, de faciliter le repérage des comportements malveillants et d’encourager leur signalement.
Un phénomène d’ampleur sur internet
« Ces dernières années, nous avons été témoins d’une transformation profonde des dérives sectaires avec l’émergence du numérique et des réseaux sociaux », constate Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville dans le dossier de presse. En plus des groupements « à prétentions religieuses », de nouveaux individus ou groupes investissent internet pour diffuser leur doctrine. Ils créent ainsi des communautés virtuelles qu’ils contrôlent. La Miviludes qualifie ce nouveau phénomène sectaire, accentué par la crise sanitaire, de « gazeux ». « Le groupe est bien là, mais il est mobile, changeant et impalpable », explique-t-elle dans un rapport publié en 2022. Elle précise : « Ses membres y adhèrent ou se désolidarisent facilement en créant d’autres groupes, selon la lecture qu’ils font du contenu doctrinal. »
En résulte, une hausse de 33,6 % des saisines de la Miviludes entre 2020 et 2021 (+ 86,1 % entre 2015 et 2021). Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Car, « souvent, les victimes de phénomènes sectaires n’ont pas conscience d’être sous emprise ou ont honte d’avoir été piégées ; ce qui peut les dissuader de saisir la Miviludes ».
La santé, cible des dérives sectaires
Près d’un quart des saisines concerne le domaine de la santé. Les pratiques de soins non conventionnelles et les médecines alternatives sont plus particulièrement visées par les « gourous 2.0 ». Naturopathie, ostéopathie, hypnose, sophrologie, jeûne thérapeutique… font l’objet de dérives. Et les conséquences peuvent être lourdes, tant au niveau individuel (abandon de soins) que collectif (propagation de discours antivaccins par exemple).
La Miviludes recommande donc de se méfier des solutions miracles et/ou qui impliquent des séances nombreuses et rapprochées et de parler de ces pratiques autour de soi et auprès d’autres professionnels de santé. Aux proches, elle préconise d’être attentif à tout changement important de comportement. Enfin, en cas de doute, il ne faut pas attendre avant de solliciter ses services pour avis via son site Miviludes.interieur.gouv.fr.
Une stratégie nationale et un projet de loi
De son côté, le gouvernement s’est saisi du problème. Il a présenté à la fin novembre 2023 une stratégie nationale de lutte. Cette dernière a pour objectifs de prévenir plus efficacement les risques de dérives sectaires, de mieux accompagner les personnes subissant ou ayant subi une expérience sectaire et de renforcer l’arsenal juridique.
Sur ce dernier point, un projet de loi, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes, a été déposé au parlement en novembre 2023. Le texte initial prévoyait de créer deux nouveaux délits. Un premier délit de placement ou maintien en état de sujétion psychologique ou physique devait permettre d’aller plus loin que l’actuel délit d’abus de faiblesse par sujétion psychologique. Un second délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques risquées pour la santé était également proposé. Enfin, le projet de loi comprenait une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour de nouveaux crimes et délits (meurtre, actes de torture et de barbarie, violences et escroquerie).
Après un premier passage au Sénat et à l’Assemblée nationale et plusieurs amendements, une commission mixte paritaire a été réunie le 7 mars. Un accord n’ayant été trouvé, le texte sera prochainement examiné en deuxième lecture par les parlementaires.
© C i E M / Léa Vandeputte