Laure de Noray, bénévole de l’association Lazare
Laure de Noray est responsable, avec son mari, François, de la maison de Toulouse.
À Toulouse, une colocation pour se reconstruire et réapprendre à vivre ensemble dans une ambiance familiale. Huit lieux en France – bientôt dix avec l’ouverture prochaine d’une maison Lazare à Rennes et à Bordeaux – accueillent des jeunes actifs et des personnes sans-abri pour une expérience de colocation inédite et enrichissante. Ils y découvrent une vie en communauté placée sous le signe de l’échange et du partage.
Quel est le principe de la maison Lazare ?
L’association Lazare propose des habitats partagés entre de jeunes actifs et des personnes sans domicile. La maison de Toulouse, avec son grand jardin, son potager et ses poules, est un lieu vaste et agréable. Louée à l’association par des sœurs, aujourd’hui trop âgées pour y habiter, elle comprend dix chambres pour dix colocataires hommes : cinq jeunes actifs et cinq personnes en difficulté, qui ont vécu dans la rue. Tous payent le même loyer.
Les jeunes actifs ont un bail d’un an, les autres peuvent rester plusieurs années, le temps de reprendre pied dans la vie. Nous les aidons pour cela à retrouver du travail et les accompagnons dans leurs démarches. Je vis dans une maison située tout à côté avec mon mari et nos trois enfants. Nous sommes là avant tout pour assurer une présence familiale, car beaucoup ont connu ou connaissent des ruptures familiales. Nous nous assurons du respect des règles, comme le paiement des loyers. Nous nous occupons également du recrutement des colocataires et de la communication à l’extérieur. Nous intervenons aussi en cas de problèmes entre résidents.
Comment s’organise la cohabitation ?
Les locataires doivent tout d’abord accepter les règles de vie en communauté. L’alcool, les drogues et les comportements violents sont proscrits. Simplicité, sobriété et bienveillance sont de mise. Le responsable de la colocation répartit les tâches ménagères entre colocataires. La contribution au budget pour la nourriture s’élève à 80 euros par mois et le réfrigérateur est mis en commun. Afin de partager du temps ensemble, il n’y a ni télévision ni lave-vaisselle. En revanche, des projections de films, une bibliothèque et des jeux de société permettent d’occuper les soirées. Une fois par semaine, nous prenons un repas tous ensemble. Et un vendredi soir sur deux, nous organisons une soirée à thème pour faire connaître la maison. C’est d’ailleurs l’occasion de convier toutes les personnes du quartier en situation de fragilité.
Quelles sont les valeurs de l’association ?
Lazare est une association catholique. Elle porte donc des valeurs chrétiennes, mais accueille toutes les personnes, sans distinction de religion ni d’origine ou de parcours. Les responsables des maisons et les colocataires sont régulièrement formés pour apprendre, notamment, à désamorcer les conflits. La vie d’une colocation, surtout lorsque les personnes ont connu une situation de grande détresse, voire des addictions, n’est évidemment pas toujours de tout repos. Une fois par an, les responsables des maisons Lazare ainsi que les colocataires de France et d’Europe (des maisons Lazare sont présentes à Madrid et en Belgique), soit près de 300 personnes, se retrouvent tous ensemble le temps d’un week-end.
Quels bienfaits retirent de cette expérience les personnes en difficulté, mais aussi les jeunes actifs ?
C’est une expérience enrichissante à tous les niveaux. Ce sont avant tout de belles rencontres. Ceux qui étaient sans-abri avant d’être accueillis ici découvrent un lieu apaisant, un foyer qui leur donne la force de prendre un nouveau départ, la possibilité de tisser des liens sociaux. Quant aux jeunes actifs, cette expérience originale leur apporte une certaine ouverture d’esprit, une meilleure connaissance d’eux-mêmes, de leurs limites.
Propos recueillis par Isabelle Coston / © C I E M
Le site de l’association : Lazare.eu