Les étudiants méconnaissent souvent leurs droits en santé
Une nouvelle étude vient de paraître sur la santé des étudiants, sur leurs représentations et leurs usages. Elle met en avant une méconnaissance de la couverture complémentaire et des dispositifs d’aide.
Comment les étudiants perçoivent-ils leur santé et comment en prennent-ils soin ? C’est à ces questions que répond une nouvelle enquête publiée par la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (Drees) et la Direction de la Sécurité sociale (DSS). Celle-ci intervient dans un contexte où la précarité des jeunes s’est accentuée et leur santé mentale s’est détériorée. Elle repose sur les « trajectoires de santé » de 40 étudiants, de 18 à 25 ans, issus de trois départements métropolitains. Et ses résultats font état de disparités importantes.
Différentes visions de la santé
Les étudiants ont en effet des rapports très divers vis-à-vis de leur santé. Ceux-ci sont influencés par la famille, les ressources économiques et les trajectoires scolaires. Certains considèrent par exemple que « la santé est essentiellement pensée comme l’absence de limitations posées par le corps ». Ils « expriment une attitude de minimisation d’une certaine catégorie de maux considérés comme purement somatiques et mineurs ». D’autres adoptent une approche plus préventive, prenant soin de leur bien-être notamment en adoptant une hygiène de vie plus rigoureuse. Pour d’autres encore, la santé est devenue une préoccupation après l’apparition de pathologies. Cette situation les a même contraints à réorganiser leur quotidien autour de leurs besoins médicaux. Enfin, une partie des étudiants émet des « doutes quant à la nature des sensations qu’ils éprouvent et qu’ils évoquent pour décrire leur état de santé perçu ». Ces différents points de vue influent inévitablement sur leur recours aux soins.
Des « carrières » de patients en construction
L’étude a ainsi permis d’identifier cinq grands types de parcours de soins ou de « carrières » de patients. Tout d’abord ceux qui, en raison de problèmes de santé chroniques, ont une « carrière institutionnalisée ». Ils ont des interactions fréquentes avec les institutions médicales et sont bien informés sur leur couverture complémentaire. Il y a également ceux qui suivent une « carrière de routine ». Ils consultent des professionnels de santé de manière ponctuelle et restent couverts par la complémentaire de leurs parents. Certains étudiants adoptent quant à eux une « carrière manquée ». Bien qu’ils soient préoccupés par leur santé, ils peinent à accéder à des diagnostics ou des traitements appropriés, souvent faute de couverture complémentaire.
L’étude indique aussi que les étudiants disposant d’une « carrière de distanciation » sont « éloignés des institutions de santé » et ce, de manière volontaire ou subie. À l’autre pôle enfin, ceux qui connaissent une « carrière d’expertise » ont développé de véritables compétences en matière de prévention et de connaissance du système de santé.
Un manque de sensibilisation à la complémentaire santé
En dehors de ces « experts », l’enquête pointe un manque de connaissances des mécanismes de la complémentaire santé au sein de la population des étudiants. Bien qu’ils deviennent assurés autonomes à partir de 18 ans, beaucoup restent cependant couverts par la complémentaire de leurs parents, ce qui ne favorise pas leur familiarisation avec ce système. De plus, cette situation « produit une dépendance à la situation parentale qui soulève des difficultés spécifiques selon la trajectoire familiale du jeune », constatent les auteurs.
Ces derniers estiment aussi que la réforme de la Sécurité sociale étudiante du 1er septembre 2019 a joué un rôle. Depuis cette date, la gestion des droits de base des étudiants en France a en effet été simplifiée. Ils sont ainsi rattachés automatiquement à une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Ils n’ont plus besoin de s’affilier ou se réaffilier annuellement à une mutuelle étudiante. L’objectif était d’améliorer l’accès aux soins en facilitant les démarches administratives. Toutefois, cette mesure « pourrait avoir diminué le niveau d’information et de sensibilisation à la nécessité de bénéficier d’une couverture complémentaire en santé », observent les rédacteurs.
L’aide à la complémentaire santé méconnue des étudiants
L’étude révèle également un fort taux de non-recours à la Complémentaire santé solidaire (CSS), (lire notre article). Cette aide, pourtant essentielle, prend en charge une partie ou la totalité de la mutuelle des personnes aux revenus modestes. Elle est notamment accessible aux étudiants, en fonction de leur âge et de leur situation familiale. Bien qu’éligibles, les jeunes ignorent bien souvent qu’ils peuvent en bénéficier. Un des facteurs de non-recours est l’absence de proposition du dispositif par les professionnels de santé ou du travail social. Ce manque d’information crée une barrière invisible entre les étudiants et les soins auxquels ils ont droit.
Recommandations pour améliorer l’accès à la couverture santé des étudiants
Pour pallier ces difficultés, sept recommandations clés ont été formulées. Parmi celles-ci, l’importance de faire connaître les droits et le fonctionnement de la couverture complémentaire, notamment lors de l’entrée dans la vie étudiante. Les lycées ou les forums de métiers par exemple, pourraient jouer un rôle crucial envers les jeunes.
Il est également préconisé de renforcer la communication auprès des agents des CPAM et des établissements du supérieur pour mieux guider les étudiants. Un accent particulier doit enfin être mis sur les étudiants étrangers ou en rupture familiale, qui rencontrent des difficultés spécifiques dans l’accès à la CSS.
© C i E M / Léa Vandeputte