Une étude projette une augmentation significative des effectifs d’infirmières d’ici 2050. Pourtant, cette croissance ne suffira pas à répondre à la hausse des besoins en soins, liée au vieillissement de la population.

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Le nombre d’infirmières augmente mais moins que les besoins de soins

Une étude projette une augmentation significative des effectifs d’infirmières d’ici 2050. Pourtant, cette croissance ne suffira pas à répondre à la hausse des besoins en soins, liée au vieillissement de la population.

La Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (Drees) s’est intéressée aux futurs effectifs de professionnelles de santé incontournables : les infirmières. Elle a pour cela utilisé un modèle de projection pour réaliser une estimation sur la période entre 2021 et 2050. Les conclusions ont été publiées le 5 décembre dernier dans la revue Études et résultats.

Une hausse encourageante des effectifs d’infirmières

Le nombre d’infirmières en emploi a augmenté de 8 % entre 2013 et 2021 pour atteindre 600 000. En se fondant sur l’hypothèse d’un maintien des politiques de formation actuelles et des comportements constants des professionnels de santé, la France pourrait ainsi compter 821 000 infirmières en 2050. L’effectif devrait donc augmenter de 37 %.

Cette évolution serait par ailleurs marquée par une hausse notable de l’exercice libéral. Le nombre d’infirmières libérales devrait progresser de 75 % sur la période. Ce mode d’exercice devrait donc concerner 21 % des professionnelles en 2050, contre 16 % en 2021.

De plus, l’âge moyen des infirmières resterait stable à 41 ans. En parallèle, la part des moins de 25 ans et celle des 60 ans ou plus augmenteraient légèrement, d’un point chacune.

La population vieillit et nécessite des soins

Si le nombre d’infirmières croît plus vite que la population générale, la part des personnes âgées augmente toutefois encore plus rapidement. Or, ces dernières « sont les plus consommatrices de soins infirmiers », constate la Drees. Elle estime d’ailleurs que les besoins devraient s’accroître de 50 % entre 2021 et 2050.

Cette dynamique crée ainsi un écart préoccupant. Même avec une hausse des effectifs, la couverture des besoins en soins infirmiers diminuerait. Il faudrait 80 000 infirmières de plus que les projections en 2050, simplement pour maintenir le niveau actuel de prise en charge.

Former davantage de professionnelles

Face à cette situation, deux leviers principaux se dessinent pour renforcer les effectifs d’infirmières. Le premier « consisterait à augmenter le nombre de diplômées », estime la Drees.

D’après les estimations, 29 000 infirmières obtiendraient leur diplôme chaque année sur la période. Mais pour répondre aux besoins, ce chiffre devrait atteindre 32 900. Pour cela, il faudrait soit augmenter de 14 % le nombre de places en formation, soit diviser par deux le taux de décrochage en cours de formation. Celui-ci a fortement augmenté ces dernières années (20 % en 2022, contre 10 % dans les années 2010).

Améliorer l’attractivité du métier

Le renforcement de l’attractivité de la profession est le second levier identifié par la Drees. Cela aurait pour effet de stabiliser les taux d’inscription dans les écoles, même dans l’hypothèse d’une hausse du nombre de places. Cette mesure pourrait aussi participer à réduire le taux de décrochage en cours de formation.

En outre, des efforts pour offrir de meilleures conditions de travail seraient déterminants. Ils participeraient à réduire l’épuisement professionnel et à limiter les cessations d’activité prématurées, notamment en cours ou en fin de carrière. « À l’été 2021, durant la crise sanitaire, la moitié des personnes salariées de l’hôpital déclaraient ne pas se sentir capables de poursuivre le même travail jusqu’à la retraite », illustre Camille Parent, l’auteure de l’étude.

Quelles évolutions des missions des infirmières et de la consommation de soins ?

Mais de nombreux évènements ou décisions politiques pourraient influer sur ces projections. Le champ d’action des infirmières pourrait, par exemple, s’élargir à l’avenir à la faveur de nouvelles compétences. Cela a notamment été le cas ces dernières années avec la création du métier d’infirmier de pratique avancée (IPA) en 2018 ou encore avec la réalisation des bilans de prévention cette année (lire notre article).

Ces évolutions visent à améliorer la prise en charge des patients et à désengorger le système de santé. Toutefois, elles pourraient réduire, à effectifs constants, l’offre de soins infirmiers en augmentant la charge de travail par soignant.

La Drees s’interroge aussi sur l’évolution des consommations de soins. « Elles pourraient baisser par exemple avec des progrès médicaux ou l’organisation de nouvelles modalités de prise en charge impliquant de moindres besoins en soins infirmiers, considère Camille Parent. Ces derniers pourraient, au contraire, augmenter avec une dégradation de l’état de santé de la population, l’apparition de nouvelles maladies ou encore la mise en œuvre d’autres modalités d’organisation des soins. »

Un défi de santé publique

Quoi qu’il en soit, cette étude ouvre une fenêtre sur l’avenir d’une profession, maillon incontournable de la chaîne de soins, et sur les besoins futurs de la population. Ces résultats soulignent l’importance d’une action concertée pour répondre à la demande croissante en soins infirmiers. Le vieillissement démographique impose en effet une planification à long terme pour garantir un accès équitable aux soins sur tout le territoire.

© CIEM / Léa Vandeputte