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Trouble du rythme cardiaque, l’avenir est-il à l’électroporation ?

La nouvelle technique d’ablation par électroporation est en bonne place pour devenir la technique de référence, devant les méthodes thermiques, pour traiter la fibrillation atriale. Il s’agit du trouble du rythme cardiaque le plus fréquent.

La fibrillation atriale (ou auriculaire) est définie par une activité électrique anarchique et rapide du muscle cardiaque, au niveau des oreillettes, d’où une contraction désordonnée et inefficace, suivie par la contraction irrégulière et rapide des ventricules.

Ce trouble du rythme cardiaque fréquent touche 1 à 2 % de la population mondiale, soit 33 millions de personnes. En France, par exemple en 2018, l’incidence, c’est-à-dire le nombre de nouvelles personnes avec une fibrillation atriale (sous traitement), était de plus de 225 000 et ce chiffre a tendance à augmenter avec les années. Il s’agit de l’arythmie la plus fréquente chez les adultes, dont les conséquences peuvent être dramatiques. En effet, la fibrillation atriale augmente le risque de mortalité de près de 50 %. De plus, elle multiplie par 5 le risque d’insuffisance cardiaque, par 2,4 celui d’accident vasculaire cérébral, et a un impact négatif sur la qualité de vie des patients.

Neutraliser les cellules cardiaques anormales

La fibrillation atriale se déclenche dans le tissu cardiaque des veines pulmonaires de l’oreillette gauche du cœur. En plus des médicaments antiarythmiques, un traitement répandu est l’ablation par cathéter, dans l’objectif de créer une barrière électrique durable autour des quatre veines pulmonaires. Au cours de cette procédure mini-invasive, on neutralise donc les zones de tissu cardiaque anormales autour des veines pulmonaires situées dans l’oreillette gauche. Chaque année, environ 700 000 patients dans le monde subissent ainsi une ablation par cathéter dans l’optique de rétablir le rythme cardiaque. Celle-ci est actuellement réalisée par des méthodes thermiques, où la nécrose des tissus est obtenue soit par radiofréquence (+ 50 °C) soit par cryoablation (- 60 °C).

« Des micro-chocs électriques de haut voltage »

Développée par le Pr Pierre Jaïs de l’Institut des maladies du rythme cardiaque LIRYC (IHU de Bordeaux), une nouvelle méthode utilise une autre source d’énergie. « Des micro-chocs électriques de haut voltage permettent d’ouvrir en quelques millisecondes des pores à l’échelle nanométrique dans les membranes des cellules cardiaques anormales, ce qui les détruit », explique le cardiologue. Cette méthode peut cibler spécifiquement un type de tissu. Les données précliniques indiquent en effet qu’il est possible de viser sélectivement les cellules constitutives du muscle cardiaque, tout en préservant l’œsophage, les nerfs, et les vaisseaux sanguins environnants. « Cette nouvelle technique par électroporation permet des procédures plus simples, plus rapides et surtout plus sûres », commente le Pr Jaïs. 

Avec un taux d’efficacité approchant les 80 % pour certaines formes dites paroxystiques de la maladie, une durée d’intervention d’une heure, et la préservation des tissus, elle offre bien des avantages. Plusieurs dizaines de centres en France sont déjà équipés. Selon les recherches publiées, beaucoup considèrent l’ablation par électroporation comme l’avenir du traitement de la fibrillation auriculaire. Des études supplémentaires à grande échelle, notamment des essais randomisés, devront confirmer ces observations, mais d’ores et déjà, l’un de ces essais est paru fin 2023. Il a conclu que la technique était au moins aussi efficace et sûre que l’ablation thermique standard, pour une procédure beaucoup plus rapide.

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