Un nouveau rapport propose une analyse approfondie des réformes successives du système de retraite en France, entre les années 1970 et 2000.

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Retraite : quels impacts des réformes sur l’espérance de vie ?

Un nouveau rapport propose une analyse approfondie des réformes successives du système de retraite en France, entre les années 1970 et 2000. Il s’attarde notamment sur leurs effets sur la réduction des inégalités sociales.

Quelles leçons tirer de 30 ans de réformes qui ont abaissé l’âge de départ à la retraite à taux plein ? C’est à cette question que répond une étude de la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), réalisée en partenariat avec l’Institut des politiques publiques (IPP). Celle-ci s’intéresse plus particulièrement à la période allant des années 1970 à 2000 et à l’incidence des réformes sur l’espérance de vie des Français.

L’élargissement de la retraite à taux plein dès 60 ans

Dès la création du système de retraite en 1945, partir à taux plein à 60 ans était possible mais « relativement rare », note la Drees. Toutefois, les réformes des années 1970 et 1980 sont venues bouleverser cet état de fait. Elles ont permis à un plus grand nombre de Français d’en bénéficier. Ainsi, la proportion d’assurés partant à taux plein à 60 ans est passée d’environ 20 % pour la génération de 1906 à plus de 60 % pour celles des années 1930 à 1950.

Cependant ces chiffres sont à nuancer, puisque cette généralisation a majoritairement été favorable aux hommes. Ces derniers étaient plus souvent bénéficiaires de régimes spéciaux que les femmes. Ils avaient aussi plus souvent réalisé des carrières complètes.

Par ailleurs, les personnes disposant d’une pension plus élevée que la moyenne ont davantage bénéficié de la possibilité de partir à 60 ans à taux plein. Ce constat marque un fossé entre les catégories socio-économiques.

Les débuts précoces dans la vie active : un effet sur l’espérance de vie

Les données de la Drees révèlent une autre facette des inégalités : l’impact de l’âge de début de carrière sur l’espérance de vie. Les assurés ayant commencé à cotiser avant 16 ans ont une espérance de vie à 60 ans inférieure à la moyenne de leur génération. À l’inverse, ceux ayant commencé à cotiser après cet âge jouissent d’une longévité supérieure. L’écart est particulièrement marqué jusqu’à l’âge de 20 ans pour les hommes et 18 ans pour les femmes. Passé ces âges, l’espérance de vie reste stable, sauf pour ceux qui ont cotisé tardivement. Leur insertion sur le marché du travail a, en effet, été généralement plus difficile, ou bien il s’agit de personnes immigrées « arrivées en France plus âgées ».

Par ailleurs, « les assurés devenus invalides ou reconnus inaptes ont une espérance de vie nettement plus faible que la moyenne de leur génération », constate la Drees.

Des réformes de retraite qui amplifient les inégalités

L’étude met également en lumière le fait que les barèmes, mis en place lors des réformes successives, n’ont pas permis de réduire ces inégalités. « Plus exactement, ils tendent à les surcorriger en sens contraire », estime même la Drees.

L’espérance de vie après le départ à la retraite diminue d’ailleurs systématiquement à mesure que l’âge d’atteinte du taux plein augmente. Ainsi, les femmes partant à taux plein à 56 ans bénéficient en moyenne de 32,6 années de retraite, contre 24,8 années pour celles partant à 65 ans. Les hommes, eux, ont une espérance de vie de 27,6 ans quand ils partent à la retraite à 56 ans et de 21,1 ans à 65 ans. Enfin, les personnes reconnues inaptes ou invalides ont en moyenne 21,9 ans d’espérance de vie à l’âge d’atteinte du taux plein.

Cette baisse est observée même en tenant compte de la durée de carrière ou des années passées sans perte d’autonomie.

Des pistes pour une future réforme des retraites ?

Les auteurs rappellent que cette analyse « reste descriptive ». Elle illustre simplement « une corrélation » entre l’âge d’atteinte du taux plein et l’espérance de vie. L’exercice d’interprétation est ainsi délicat du fait des nombreux facteurs qui peuvent intervenir.

Par ailleurs, l’étude porte sur les générations nées en 1950 et avant. Ses résultats ne sont pas transposables aux générations suivantes. Car, ces dernières sont concernées à la fois par un allongement de la durée de la scolarité et un relèvement de l’âge de départ à la retraite.

Toutefois, les rédacteurs estiment qu’il paraît « pertinent au regard des inégalités d’espérance de vie de permettre à ceux qui ont commencé à travailler le plus jeune de pouvoir partir à la retraite au taux plein plus tôt ». De plus, l’outil des barèmes, qui s’appuient sur la durée d’assurance, est, selon eux, « très imparfait pour tenir compte des disparités d’âge de début de carrière ». Ils ajoutent qu’une « réforme serait nécessaire si l’on souhaitait réellement mettre en œuvre l’objectif de correction des inégalités de durée passée à la retraite affiché par le législateur ».

À l’heure où les réformes du système de retraite continuent d’alimenter le débat public, ces constats pourraient éclairer les choix politiques futurs. Un défi d’autant plus important quand on sait qu’en 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans (lire notre article sur la stratégie « bien vieillir »). Pour la première fois, les plus de 65 ans seront même plus nombreux que les moins de 15 ans dans le pays.

© CIEM / Léa Vandeputte