© Shutterstock

Audioprothèses : attention aux arnaques

Avec la mise en place du dispositif « 100 % Santé » et le remboursement intégral de certaines prothèses auditives, le nombre d’audioprothésistes a explosé en France : une augmentation de 30 % en 3 ans. Une bonne nouvelle pour les patients mais aussi pour les escrocs qui n’hésitent pas à recourir à des méthodes frauduleuses en se faisant passer pour des audioprothésistes. Comment reconnaître les professionnels fiables et éviter les arnaques ?

Avec 13 millions de Français qui souffrent de problèmes d’audition, la vente d’audioprothèses a augmenté de 80 % depuis 2021 et a atteint un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros en 2022. Facturés en moyenne 1 400 €, ces mini-équipements qui valent de l’or ont longtemps contraint les Français à ne pas s’appareiller à cause de leur prix. Un constat qui a conduit à la mise en place en 2021 du dispositif « 100 % Santé » en audiologie afin d’offrir aux assurés une prise en charge intégrale de certains équipements. Une très bonne nouvelle pour les adhérents bien sûr, mais qui attire aussi de plus en plus de personnes malintentionnées qui se lancent dans ce business sans diplôme et qui profitent de ce système pour arnaquer la Sécurité sociale et les complémentaires santé. Des assurés ont par exemple constaté sur leur relevé de Sécurité sociale des remboursements pour appareils auditifs dont ils n’ont jamais été équipés. D’autres personnes, qui pourtant entendent très bien, sont démarchées par une personne se prétendant envoyée par l’Assurance maladie leur proposant de faire un bilan directement à leur domicile, sur leur lieu de travail ou même dans les Ehpad. Des rendez-vous au cours desquels les patients se voient systématiquement prescrire des appareils auditifs dont ils n’ont pas l’utilité ou mal adaptés à leurs besoins car aucune consultation avec un médecin ORL n’est effectuée, ni aucun suivi de contrôle. Au total, plusieurs millions d’euros auraient ainsi été subtilisés à l’Assurance maladie et aux complémentaires santé. Résultat, de plus en plus de personnes malentendantes et avec un réel besoin se retrouvent avec des prothèses défectueuses, sans aucune forme de suivi. Tandis que d’autres, sans aucun problème d’audition se retrouvent appareillées… Le tout, aux frais de la Sécurité sociale et surtout des  complémentaires santé.

Quels sont les signaux d’alarme et pièges à éviter ?

Le démarchage : de plus en plus de faux audioprothésistes privilégient le démarchage téléphonique pour appâter leurs victimes. C’est un premier signe d’alerte puisque le Syndicat des audioprothésistes (SDA) rappelle que l’Assurance maladie, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou les vrais audioprothésistes ne téléphonent jamais pour proposer des rendez-vous. Toute proposition de visite à domicile, sur votre lieu de vie ou de travail, doit renforcer votre vigilance par rapport à cette démarche.

Les offres dites « gratuites » : ces équipements peuvent souvent être associés à de la gratuité. Même si c’est d’apparence le cas pour les patients qui n’ont pas à avancer de frais, cela impacte aussi inévitablement les dépenses de complémentaires santé entraînant une hausse significative des cotisations des adhérents. Il est donc primordial d’agir de façon responsable et de recourir aux appareillages si, et seulement si, ils vous sont nécessaires.

Les faux audioprothésistes : l’audioprothésiste doit être titulaire d’un diplôme d’Etat et est la seule personne habilitée à faire des examens, des préconisations et des réglages. Il n’a pas le droit d’exercer dans plus de trois établissements durant un même mois, selon la charte édictée par l’Assurance maladie. À noter également qu’il a l’obligation de présenter un devis dont au moins une offre est prise en charge intégralement dans le cadre du dispositif « 100 % Santé ». D’ici quelques mois, les audioprothésistes devront obligatoirement afficher leur diplôme dans leur cabinet.

Les ordonnances : aucun audioprothésiste ne peut vous examiner sans consultation au préalable d’un médecin. Une ordonnance est obligatoire pour se faire appareiller.

La téléconsultation : les faux audioprothésistes peuvent vous proposer de réaliser un bilan auditif via une téléconsultation (ou télé-expertise). Les audiogrammes effectués dans ce contexte ne sont pas fiables et doivent être confirmés par un examen approfondi. Les tests auditifs doivent être réalisés par un ORL, dans un lieu spécialement conçu pour, insonorisé et calme.

Comment enrayer ce sytème ?

La fraude aux audioprothèses pourrait représenter plusieurs dizaines de millions d’euros alors que la facture des audioprothèses pour la Sécurité sociale s’élève à plus de 420 millions d’euros en 2022. Pour combattre ce fléau et détecter les fraudes, l’Assurance maladie assure qu’elle va prochainement lancer des contrôles approfondis auprès de plus de 130 entreprises vendant des aides auditives, en plus des plaintes déjà déposées. Elle suggère également aux pouvoirs publics de mettre en place des actions de contrôle sur les prescriptions et les délivrances d’audioprothèses.

De son côté, le Syndicat des audioprothésistes (SDA) renchérit et propose plusieurs solutions pour réguler la profession. Tout d’abord, il suggère de lier les remboursements de l’Assurance maladie à l’audioprothésiste qui exécute l’appareillage et non à l’établissement qui l’emploie comme c’est le cas actuellement. La création d’un Ordre des audioprothésistes financé par la profession a également été évoquée.
Cette structure aurait pour mission d’assurer le suivi des audioprothésistes autorisés à exercer, garantir la diffusion, la promotion et le respect des règles déontologiques et sanctionner si nécessaire. Autre proposition : la mise en place d’un décret de compétences qui définirait les actes réservés aux audioprothésistes. 

Le SDA souhaite également interdire la publicité pour les aides auditives dans le but de lutter contre la marchandisation des soins auditifs et la financiarisation excessive de la profession au détriment d’une pratique purement sanitaire. À ce jour, la CPAM a déjà déconventionné 13 centres auditifs d’un même réseau. 

Du côté de Mutuelle Mip, on constate une recrudescence de la fraude en audio, depuis une dizaine d’années, avec un pic d’autant plus remarquable depuis l’arrivée du « 100 % Santé ». Face à ce constat, nos équipes adoptent une politique rigoureuse et redoublent de vigilance avec un renforcement approfondi des contrôles.
Toute fraude avérée, qu’elle soit commise par les professionnels ou par les adhérents, est sanctionnée de façon stricte et immédiate.

Ayez les bons réflexes

  • Le démarchage est interdit.
  • Une prescription médicale est obligatoire pour consulter un audioprothésiste.
  • Toute proposition de visite à domicile, sur votre lieu de vie ou de travail n’est pas légale.
  • Seul un audioprothésiste titulaire d’un diplôme d’État est habilité à réaliser un examen.
  • L’audioprothésiste a pour obligation de vous proposer un devis avec au minimum une offre prise en charge par le dispositif « 100 % Santé ».
  • Les recommandations d’autres personnes ayant déjà fait confiance à un établissement sont un des meilleurs moyens pour choisir votre professionnel.