© Shutterstock

Fraude à l’assurance santé, tous responsables mais non coupables !

L’Alfa (agence de lutte contre la fraude à l’assurance) définit la fraude à l’assurance comme « un acte intentionnel, réalisé par une personne morale ou physique, afin d’obtenir indûment un profit du contrat d’assurance ». Préoccupation importante du secteur de l’assurance santé, le montant des préjudices financiers subis et évités est en constante progression.

Aujourd’hui, l’Assurance maladie déclare qu’en 10 ans, 2,2 milliards d’euros de préjudices financiers ont été détectés et stoppés, dont près de 220 millions d’euros en 2021. 
Forte de ce constat, l’Assurance maladie souhaite aller encore plus vite et plus loin avec la mise en place d’actions complémentaires, renforcées et accélérées, pour atteindre rapidement 500 millions d’euros de préjudices financiers détectés et stoppés par an. « Nous sommes plus que jamais déterminés à renforcer nos actions de lutte contre les fraudes à l’Assurance maladie. Notre système de santé est notre bien commun, le protéger est une priorité absolue », déclarait Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Aujourd’hui, plus de 1 600 collaborateurs travaillent sur le terrain pour lutter contre la fraude à l’Assurance maladie. Dernièrement, dans le cadre de cette stratégie de lutte contre la fraude renforcée, deux centres de santé ophtalmologique et dentaire, respectivement situés dans les Yvelines et en Seine-Saint-Denis, ont été déconventionnés pour pratiques frauduleuses. Il s’agit notamment de fausses facturations et d’actes non réalisés. Le préjudice pour l’Assurance maladie s’élève à près de 1,5 millions d’euros au total.

Ce qu’il faut savoir

 Si les établissements et professionnels de santé représentent une part importante des fraudes dans le secteur de l’assurance santé, des types bien définis de fraudes et fraudeurs en immergent : la fraude liée aux activités des professionnels de santé, qui concerne les médecins, les chirurgiens, les dentistes, les kinés… celle des établissements de santé pour augmenter le volume d’activité et enfin celle directement des assurés, pour accroître le montant de leur remboursement.

Quelles sont les fraudes les plus fréquentes recensées et mises à jour parles équipes de contrôle de Mutuelle Mip ? 

  • Soins fictifs : des professionnels facturent des soins non effectués et augmentent ainsi le montant de leurs honoraires. Selon la garantie souscrite par l’adhérent, il n’y a pas ou peu de reste à charge. Par contre le montant des remboursements de votre mutuelle, comme celui de la Sécurité sociale, est directement impacté.
  • Doubles remboursements : des patients adhèrent à plusieurs organismes complémentaires et bénéficient ainsi de multiples prises en charge. Sachez qu’il est possible d’adhérer à une garantie surcomplémentaire pour compléter le remboursement de votre garantie principale, mais strictement interdit de percevoir des remboursements supérieurs aux montants réellement payés, remboursement de la Sécurité sociale inclus.
  • Ordonnances trafiquées et fausses factures : des ordonnanciers volés aux professionnels de santé pour facturer des actes non réalisés ; des montants modifiés pour percevoir un remboursement plus élevé.
  • Équipements répétés pour toute la famille : il s’agit de soins fictifs qui concernent spécifiquement l’optique. Des lunettes et des lentilles sont facturées pour tous les membres d’une famille alors qu’aucun équipement n’est délivré en réalité. Les forfaits optiques sont systématiquement utilisés tous les deux ans, voire tous les ans quand il s’agit d’enfants ou en cas d’évolution de la vue suite à l’adaptation de l’ordonnance par l’opticien.
  • Facturations non conformes aux délivrances : cela concerne aussi principalement l’optique. Les verres facturés sont plus chers et avec des caractéristiques différentes que ceux délivrés ou le nombre de boîtes de lentilles facturé est plus élevé que le nombre de boîtes délivré.

L’optique, le dentaire, l’hospitalisation… tous les domaines de la santé sont concernés !

Comment lutter, mettre en place des mesures face à ce phénomène de plus en plus perfectionné et de plus en plus important que constitue la fraude en matière d’assurance santé ? Lutter contre la fraude, c’est contrôler et mettre en place des moyens et du temps pour absorber la quantité de travail générée par ces abus. Certains organismes de complémentaires santé s’équipent des dernières innovations technologiques, comme l’intelligence artificielle et le machine learning (apprentissage automatique) pour détecter les dossiers suspects.

D’autres ont recours à des professionnels de santé consultants pour examiner et/ou justifier de la pertinence de certaines demandes de remboursements.

Autre solution, le big data (mégadonnées) qui devrait aider à analyser les données en masse, dont la pertinence augmenterait en fonction du volume.

Quelles que soient les solutions mises en place, le constat est que la détection des actes frauduleux ne peut se passer des compétences du personnel chargé d’identifier les dossiers litigieux avant paiement, pour en réduire les coûts.

Fraude à l’assurance, attention aux sanctions !

Une fraude peut provoquer une résiliation du contrat. Ci-après, ce qui est stipulé dans les codes et la loi :

  • Le Code de la mutualité 
    L’article L221-14 précise : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, la garantie accordée au membre participant par la mutuelle ou par l’union est nulle en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de celui-ci, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour la mutuelle ou l’union, alors même que le risque omis ou dénaturé par le membre participant a été sans influence sur la réalisation du risque. »
  • Le Code des assurances
    L’article L113-8 du Code des assurances prévoit la nullité du contrat d’assurance. L’assureur peut conserver les cotisations payées et exiger le règlement des cotisations échues, à titre de dommages et intérêts. L’article L113-1 indique que l’assureur ne répond pas des pertes et des dommages ayant pour origine une faute intentionnelle de l’assuré. L’assureur peut alors opposer à l’assuré fraudeur un refus de prise en charge du sinistre… si l’indemnité a été payée avant que l’assureur ne s’aperçoive de la fraude, celui-ci peut exercer une action en remboursement des sommes versées.
  • Droit pénal 
    L’escroquerie est punie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et de 375 000 euros d’amende (article 313.1 du Code pénal).

Karine Simon, responsable du pôle Relation Entreprises et Adhérents Mutuelle Mip :

« C’est une préoccupation majeure ! Nous constatons chaque jour l’ampleur du phénomène. Fausses ordonnances, équipements non conformes, codifications répétées pour des patients différents, forfaits détournés… Nous avons mis en place une équipe dédiée en charge de détecter les actes malveillants. Ce sont de véritables “détectives” qui peuvent être amenés à contacter le professionnel de santé et/ou notre adhérent pour demander de justifier de certains actes et de leur réalisation. »