Sons compressés : quel impact sur notre santé auditive ?
De plus en plus présents dans notre quotidien depuis les années 1980, les sons compressés permettent de mieux entendre dans des environnements bruyants. Mais cette technique n’est pas sans conséquence pour nos oreilles, comme le montre une étude récente.
Utilisée à l’origine pour rééquilibrer des instruments, la compression est une technique de mixage qui consiste à supprimer les écarts entre les sons forts et les sons faibles. On relève le niveau sonore des sons faibles, pour qu’ils soient mieux perceptibles, tout en diminuant les sons trop forts. Ainsi, tous les sons ont la même intensité ce qui permet, en théorie, de mieux percevoir certains d’entre eux notamment dans des lieux bruyants comme la rue ou les transports en commun.
Grâce à la compression, tous les sons pertinents peuvent dépasser et donc occulter les bruits de fond. Popularisé notamment à la radio ou par les logiciels de visioconférence, ce prinicipe est désormais utilisé dans les cinémas, les concerts mais aussi sur les téléphones portables, les CD, les consoles de jeux vidéo et à la télévision.
Des pauses sonores nécessaires
Ainsi compressés, les sons que nous entendons ne comportent plus les pauses pourtant nécessaires au repos de l’oreille et du cerveau. Nous perdons aussi la perception des nuances fines. Or nos oreilles ont besoin de ces contrastes sonores. Quand nous en sommes privés, nous avons inconsciemment tendance à mettre le volume plus fort.
Une étude est en cours sur les effets délétères du son compressé. Des premiers résultats ont été révélés lors la Semaine du Son de l’Unesco, en janvier dernier. Elle est menée par le Pr Paul Avan, professeur de biophysique à l’université Clermont Auvergne et directeur du Centre de recherche et d’innovation en audiologie humaine (Ceriah), à l’Institut de l’audition. Son équipe a fait écouter de la musique à 90 cochons d’Inde au système auditif proche du nôtre. Si les animaux n’ont rien perdu en termes de capacités, ils ont subi une fatigue auditive pendant plus de deux jours. « Chez des cobayes exposés à une musique compressée pendant 4 heures au niveau maximum légal, comparés à des cobayes exposés à la même dose de musique non compressée, il n’y a pas de changement d’audiogramme tonal avec l’exposition. Celle-ci semble donc sûre, mais le réflexe protecteur des muscles de l’oreille moyenne est aboli pendant plusieurs jours », indique l’Institut de l’audition.
Comment limiter les effets délétères des sons compressés ?
Les spécialistes militent pour la création d’un comité scientifique qui devrait labelliser des sons moins compressés et moins dangereux pour la santé car ils contiendraient quelques millisecondes de pause nécessaires pour permettre aux oreilles de se reposer. Autre solution pour préserver notre audition : rééduquer l’oreille et réapprendre à écouter en pratiquant par exemple un instrument acoustique ou le chant dans une chorale et… retrouver le goût du son naturel.
© C i E M / Violaine Chatal
Bientôt un label « qualité sonore »
Après avoir fait adopter en 2017 à l’Unesco la résolution « L’importance du son dans le monde actuel : promouvoir les bonnes pratiques », la Semaine du Son créé un label « qualité sonore », en partenariat avec Universal Music, Thomas Dutronc, l’Ircam et l’Unesco. Ce label devrait permettre de sensibiliser les diffuseurs et les distributeurs sur les conséquences sanitaires de la surcompression. Sélectionnée au Forum de Paris sur la Paix, l’association La Semaine du Son a présenté les 11 et 12 novembre derniers ce projet de label « qualité sonore ». Il devrait voir le jour en 2024.