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Les traitements du futur venus du monde marin

La mer regorge de richesses, dont la plus grande partie nous échappe encore. Partout dans le monde, les scientifiques cherchent chaque jour à en savoir plus sur les étonnants bienfaits des océans pour notre santé. Leurs découvertes nous permettent d’esquisser la médecine de demain. En voici quelques exemples.

Remplacer les antibiotiques

La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces qui pèsent sur la santé mondiale. De plus en plus d’infections bactériennes deviennent difficiles à traiter, car les médicaments perdent de leur efficacité. La mer est l’une des pistes de recherche. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) s’intéresse ainsi aux phages, des virus présents dans les océans qui s’attaquent aux bactéries en épargnant les autres organismes, comme les animaux, les plantes ou les algues. Cette propriété bien particulière pourrait en faire une alternative aux antibiotiques.

Coller pour éviter les sutures

La moule s’accroche à son rocher grâce à une substance collante résistant à l’eau et composée de différentes protéines. Cet exploit a été reproduit en laboratoire afin de trouver une solution pratique pour assembler divers matériaux dans les milieux humides. Cela intéresse particulièrement le milieu médical, qui entrevoit de nouvelles possibilités pour fixer des prothèses ou encore éviter des sutures en les remplaçant par un collage biologique lors de certaines opérations de microchirurgie.

Traiter les infections respiratoires

L’étoile de mer glaciaire pourrait permettre de traiter de graves infections respiratoires liées à la mucoviscidose. Cette maladie génétique héréditaire se caractérise par l’épaississement des sécrétions de plusieurs organes (essentiellement les poumons et le pancréas), ce qui altère leur fonctionnement. Ce sont plus particulièrement les œufs de l’étoile de mer qui furent à l’origine de cette découverte. Gros et transparents, ils sont en effet considérés comme de parfaits modèles pour observer la division cellulaire. Grâce à eux, les protéines qui contrôlent ce mécanisme de division, les kinases, ainsi qu’une molécule capable de le bloquer, la roscovitine, ont été identifiées. C’est cette dernière qui est testée par les scientifiques pour soigner certaines infections respiratoires.

Réparer les tissus et lutter contre les métastases

La bactérie Alteromonas infernus, présente dans le Pacifique, possède la capacité de régénérer les tissus des animaux. Pour ce faire, elle produit des polysaccharides, des sucres complexes, qui permettent de reformer de la peau, du cartilage ou des os. Ce sucre est aujourd’hui expérimenté par des chercheurs de l’Ifremer afin d’améliorer la qualité des greffes de cartilage chez l’homme. Il s’est également révélé avoir des propriétés anti-métastatiques étudiées sur le cancer primaire de l’os.

Mieux comprendre le cancer

Un projet de recherche contre le cancer, financé par la Fondation Arc, s’intéresse aux propriétés de l’huître creuse. Celle-ci semble en effet avoir la faculté d’activer ou de désactiver l’effet Warburg, c’est-à-dire le phénomène de développement cellulaire responsable de la croissance des cancers. Elle y parviendrait en adaptant son métabolisme à la température ambiante. Si cette hypothèse est validée, elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles thérapeutiques applicables chez l’homme.

Éradiquer les intoxications alimentaires

Et si des bactéries « amies » pouvaient lutter contre des bactéries pathogènes ? C’est ce que tente de démontrer une équipe de l’Ifremer. Elle sélectionne des bactéries issues du « microbiote » de la mer et les pulvérise sur du saumon fumé ou des crevettes pour empêcher le développement de Listeria monocytogenes, responsable de la listériose, une maladie infectieuse transmise par voie alimentaire. Mais la tâche s’avère complexe : il faut découvrir les bonnes combinaisons, que celles-ci ne modifient pas la couleur, le goût ou l’aspect du produit, qu’elles combattent les procédés de fabrication industriels et qu’elles ne provoquent pas de résistance aux antibiotiques. Le chemin est encore long, mais cette alternative limiterait le recours aux additifs chimiques.

Améliorer la conservation des greffons

L’arénicole est un ver marin des côtes bretonnes qui peut survivre sans respirer pendant six heures à marée basse. Cette prouesse est rendue possible grâce à l’hémoglobine de l’animal, qui a la capacité de fixer quarante fois plus d’oxygène que celle des humains, avant de le délivrer aux différentes cellules de l’organisme. Le ver est en plus « donneur universel » : avec lui, pas de problème de compatibilité sanguine ! Ces propriétés pourraient ainsi permettre de mieux conserver les organes entre le prélèvement sur le donneur et la transplantation. Le temps pour réaliser la greffe est actuellement très réduit, car le manque d’oxygénation abîme rapidement les tissus.

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« L’océan a un potentiel incroyable »

Si la mer est une source d’inspiration pour la médecine du futur, elle l’est aussi dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie ou encore de la préservation de l’environnement. Et pourtant, « nous connaissons mieux la surface de la Lune que la profondeur du grand bleu qui caractérise notre planète, regrette Maud Fontenoy, navigatrice et auteure*. Seules 230 000 espèces marines sont aujourd’hui connues, sur 2 à 3 millions présumées. » « Nous avons devant nous un potentiel incroyable », estime-t-elle. La navigatrice appelle les États, et en particulier la France, deuxième puissance maritime mondiale, à investir dans la recherche. « Si nous sommes capables d’envoyer un robot sur Mars, il me paraît essentiel que, demain, nous décidions ensemble de nous consacrer en urgence à mieux comprendre et à mieux préserver ces étendues, ces trésors aussi captivants qu’indispensables », conclut-elle.

*La Mer au secours de la terre, de Maud Fontenoy, Belin, 2021.